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Restauration: Sansui AU-X11 "Master Integrated Amplifier"
Introduction
Pour faire suite à la restauration d'un Sansui AU-X1, voici maintenant une intervention sur son successeur direct, le modèle AU-X11. Sorti en 1982, soit trois ans après l'AU-X1, il pourrait être considéré comme à mi-chemin entre une évolution et une réédition du modèle précédent.
Ces deux amplificateurs possèdent beaucoup de similitudes, certaines pièces ou circuits étant même presque identiques (châssis, façade, transformateurs, condensateurs de filtrage principaux, préamplificateur, régulation...).
Extérieurement l'AU-X11 adopte un châssis au revêtement cuivré, des joues en bois et des boutons de façade aux formes légèrement plus "modernes" et anguleuses.
Intérieurement, la différence la plus évidente se situe au niveau de l'étage de puissance (cartes driver modifiées et transistors de puissance différents, deux paires par canal au lieu de trois), visuellement on note immédiatement que les dissipateurs et les condensateurs principaux ont échangé leurs positions, ces derniers se retrouvant désormais tous les 8 au centre. Les cartes phono MC sont aussi améliorées, et on note que quelques connexions qui étaient soudées sur l'AU-X1 sont maintenant dotées de connecteurs. Plutôt inutile, il ne s'agit que de quelques câbles, et cela ne rend pas la maintenance sur cet appareil plus simple.
Le modèle présenté ici est en très bon état, hormis la façade arrière, qui est très oxydée comme sur 95% des AU-X11. C'est un exemplaire qui n'a pas été ouvert ni entretenu depuis sa sortie d'usine, un cas de figure plutôt favorable, que nous préférons au risque d'un appareil détérioré par des "bidouillages" passés. Nous verrons par la suite que même ses composants sont très bien préservés, probablement en raison d'un bias qui était réglé presque à 0 (peut-être depuis très longtemps) et donc une température de fonctionnement très faible.
1. Nettoyage et premier essai
Voici l'appareil à réception, plus de 4 décennies de poussière:
Place aux tests après un nettoyage préliminaire qui permet d'y voir plus clair et d'inspecter les composants. Un vrai nettoyage demandera de toute façon un démontage total:
L'amplificateur s'allume et produit du son sur chaque canal. L'offset en sortie HP est encore presque parfait, par contre le bias est vraiment très très bas sur les deux canaux, environ 1mV au démarrage montant péniblement à quelques mV une fois chaud. Ce dernier répond aux réglages et reste ensuite stable, rien d'inquiétant donc. Peut-être qu'à un moment, une personne ne sachant comment le régler à décidé de le mettre à 0... mystère.
D'autres défauts sont présents: trois lampes de façade HS, un voltage de régulation phono trop bas même réglé au max (ce qui est "normal" sur cet appareil comme sur l'AU-X1) et un soucis avec les deux relais HP de sortie. Le relais A saute et se ré-enclenche assez régulièrement, et le relais B ne sort pas de signal sur un canal.
Un mot rapide sur la sonorité: c'est plutôt bon dans l'absolu (une fois le bias réglé !), mais une personne ayant déjà écouté un exemplaire au mieux de sa forme notera tout de suite une grosse différence avec l'exemplaire ici présent. Le démontage réserve donc probablement quelques surprises.
2. Restauration des différentes cartes
Passons aux choses sérieuses, avec tout d'abord l'avant de l’appareil, c'est à dire le préamplificateur, la régulation, le changement d'ampoules et, je le sais déjà, du travail de soudure et d'optimisation sur tout le câblage entre sélecteur d'entrée, sélecteur phono, préamplificateur et carte "buffer amp". Une étape longue et fastidieuse mais importante pour la qualité finale de l'appareil, le travail d'assemblage réalisé à l'époque n’étant pas au top niveau. Sur un amplificateur comme celui-là, chaque petit détail compte.
Carte "Regulated Power Supply" (Alimentation régulée):
Par bonheur Sansui a eu la main très légère sur sa fameuse colle corrosive avec l'AU-X11, seuls quelques condensateurs sur la régulation sont concernés. Ces derniers sont dessoudés et débarrassés de toute trace de colle. Ils sont en excellent état, et plus performants à la mesure que les Nichicons FG que nous avons en remplacement, y compris pour le courant de fuite. Ils sont donc soigneusement nettoyés et remis en place.
Tous les condensateurs placés de travers sont aussi dessoudés, testés, et remontés droits, car on en se refait pas. Plus sérieusement, un composant assez gros doit reposer bien à plat sur le PCB, sinon les soudures craquent avec le temps en raison du stress mécanique, ce qui était le cas ici.
Nous mettons aussi "à jour" la régulation de l'alimentation phono, comme sur l'AU-X1, pour qu'elle sorte enfin le voltage prévu à l'origine.
La fameuse colle corrosive est aussi, parfois, devenue conductrice (on ne la trouve bien entendu pas que chez Sansui):
La régulation terminée:
Carte "Buffer amp":
Peu de choses sur cette carte, mais il faut soigner les soudures et les différentes connexions pour préserver le signal.
Le dépôt de flux (devenu légèrement conducteur) est nettoyé, quelques soudures sont refaites et des cosses mal serties sont dessoudées et renforcées avec de la gaine thermo. Je cherche vraiment à avoir un câblage et des soudures impeccables sur tout le trajet du signal.
Pour mieux comprendre où est située cette carte:
Carte "Flat Amp" (Préamplificateur):
L'état des soudures sur cette carte était vraiment déplorable. Nous avons repris l'intégralité de ces dernières car presque toutes présentaient des défauts plus ou moins graves. Étonnamment l'appareil fonctionnait en l'état, mais avec des performances sonores moindres, comme nous l’avions noté lors de notre essai. Bien entendu, ce n'était pas la seule raison de cette baisse de qualité, mais l'appareil a été essayé juste avec cette carte et le câblage signal refaits et le gain à l'écoute n'était pas subtil.
Travail en cours, en orange une soudure avec une marque de stress déjà avancée (fissure en cercle). En bleu le stade d'après, la soudure est totalement fracturée. En vert, des soudures refaites:
Tous les condensateurs électrolytiques sont remplacés car beaucoup, bien que testés OK, étaient couverts de colle epoxy sur le dessus (au niveau de l'évent de sécurité). Ceci était fait en usine sur la plupart des AU-X11 pour une raison inconnue, mais qui de toute façon n'inspire pas confiance... Certains condensateurs à film sont upgradés et quelques résistances remplacées.
Carte terminée:
Petite carte des ampoules en façade:
Trois sont HS, elles sont remplacées par des équivalents et la carte est nettoyée:
Cartes "MC,MM switch" et "Selector switch" (sélecteurs situés sur la façade):
Nettoyage, reprise des soudures, renforcement d'une cosse mal sertie.
Cartes "Equalizer amp" (égalisation/MM) et "MC Head amp" (phono MC):
L'avant de l'appareil étant terminé, je passe à la partie phono située sur le côté droit de l'appareil. Cinq cartes sont à refaire ici, deux phonos, deux phonos MC, et une carte mère sur laquelle sont enfichées les quatre autres.
Une des cartes MM et une MC:
Remplacement des condensateurs électrolytiques, reprise de quelques soudures HS et démontage des transistors pour un changement de la pâte thermique. Un des isolants mica était totalement fendu (à droite avec les bords arrondis), il sera bien entendu remplacé:
Les quatre cartes phono terminées:
Carte "MC,MM Mother circuit board" (carte mère phono):
Sur celle-ci viennent s'enficher les 4 autres cartes phono. Le mieux est de ne pas la démonter, d'autant que l'intervention est aisée même en place.
Voilà pourquoi, la connexion de masse est noyée dans la soudure:
En gros plan les soudures d'une des prises sur lesquelles s'enfichent les 4 cartes phono. Il y a en tout 10 de ces blocs de connexion, beaucoup présentent au dos de belles traces de fissures comme ici:
Toutes les soudures HS sont reprises et la carte est nettoyée:
Cartes "Driver Amp":
C'est la partie la plus délicate à accéder de l'AU-X11, nous en profitons donc bien entendu pour refaire entièrement ces cartes. Il y a des petits condensateurs polystyrène (surnommés "black flags") qu'il faut absolument remplacer. Ils changent de valeur avec le temps et peuvent être à l'origine de pannes importantes.
Les "black flags" sont donc remplacés puis une dizaine de résistances "à risque" sont dessoudées sur chaque canal pour mesure. Ici rien à signaler, tout est manifestement bien préservé, y compris les condensateurs électrolytiques que je remplace tout de même.
Un petit dissipateur de transistor était tordu, il est démonté et redressé
Enfin, le découplage local de l'alimentation est amélioré par l'ajout de plusieurs condensateurs à film.
Voici un bloc de puissance sorti:
Une carte driver avant/après restauration:
Les transistors de puissance sont reposés avec de la nouvelle pâte thermique et de nouveaux isolants mica:
Carte "Selector/power supply" (située sous la carte mère phono):
Rien à faire en dehors d'un nettoyage, pas même une petite soudure sèche !
Carte "Speakers relay circuit" (relais HP, entres autres, boulonnée derrière les borniers):
Remplacement des relais, reprise des soudures et nettoyage:
3. Potentiomètre de volume
L'Alps RK40 d'origine souffre malheureusement d'un défaut assez commun sur ce modèle, à savoir que les disques en plastique sur lesquels sont sertis les balais en laiton sont fins (c'est évident en comparant à certains autres modèles de potentiomètres 40mm de l'époque) et peuvent donc se voiler sérieusement avec le temps. Ceci s'opère sous la poussée des balais. La pression baisse sur ces derniers, compromettant la qualité de contact, et surtout ils frottent de travers sur la piste (légèrement sur leur tranche) ce qui peut abîmer cette dernière. Sur notre exemplaire, un balai à manifestement fini par se planter dans la piste alors qu'il glissait à "rebrousse-poil". Cela sûrement favorisé par le fait qu'il manquait visiblement de lubrification.
Le potentiomètre d'origine étant complètement irrécupérable, un Alps "Blue Velvet" est utilisé en remplacement. Les pistes étant d'un diamètre inférieur, l'appairage entre canaux est spécifié comme étant moins bon. J'ai pu trouver, à force de tests (et de chance), un modèle à l'appairage parfait, excédant d'ailleurs de loin les spécifications du RK40 d'origine. Certains des modèles testés étaient assez mal appairés (plus de 2db d'écart entre canaux, toujours dans les spécifications constructeur cela dit mais clairement audible), alors méfiance lors d'opérations de remplacement sur un appareil haut de gamme...
4. Partie arrière de l'appareil
Comme sur la plupart des AU-X11, l’arrière de l'appareil est dans un piètre état, rongé par la corrosion. Certains marquages ne sont même plus lisibles. Bizarrement, cette partie est souvent la seule atteinte de cette façon:
Le démontage/remontage de cette pièce est vraiment très long, mais nécessaire. Un nouveau revêtement cuivré est appliqué, puis par la suite de nouveaux marquages et deux couches de vernis professionnel bi-composant pour protéger le tout de l'humidité.
Au remontage un nouveau câble d'alimentation est installé, j'opte pour un modèle blindé mais avec une tresse en nylon pour plus de discrétion. Un perçage est effectué pour accommoder le passe fil de gros diamètre:
Vue interne du nouveau cordon, avec aussi les quatre prises d'alimentation femelles nettoyées et recâblées:
4. Joues en bois
Malheureusement, l'aggloméré des années 80 n'étant pas connu pour sa robustesse, ce dernier s’effrite car Sansui à choisi de ne pas vernir le dos et les tranches non visibles des joues... offrant ainsi une porte d'entrée à l'humidité. Le vernis s'écaille aussi à plusieurs endroits.
Les joues sont soigneusement restaurées, puis un vernis satiné est appliqué, y compris au dos cette fois. Une refabrication serait probablement plus rapide, mais je préfère conserver un maximum de pièces d'origine:
5. Conclusion
L'appareil peut désormais être remonté et testé. Je m'aperçois alors que le problème des relais HP n'est pas totalement réglé. Un des deux fonctionne désormais correctement mais l'autre saute toujours régulièrement. Finalement, il s'agissait d'un souci d'oxydation sur le sélecteur et sur un connecteur.
Les divers réglages sont effectués: régulation, préamplificateur, phono MM, MC, bias et DC offset. Après quelques heures de fonctionnement, l'appareil est placé au banc de test, une épreuve qu'il passera sans soucis. Une écoute finale de cet AU-X11 permet de confirmer qu'il est bien revenu au mieux de sa forme, avec des performances qui n'ont rien à envier à son grand frère l'AU-X1, il est donc déclaré apte au service.
Appareil actuellement en vente ici